Harlan Coben est passé maître dans l’art de commencer ses romans par des énigmes et en tire habilement profit tout le long. Au fil de l’histoire, les énigmes s’emboitent pour former un tout, mais le défi du lecteur c’est de deviner comment exactement.
Dans « Tu me manques », Coben nous présente Kat Donovan, une femme flic, représentant la troisième génération d’une famille de policier de New York, qui à l’air « mignonne et pétillante », mais « fracassée », tel que la décrit sa meilleure amie Stacy. Le grand-père de Kat s’est suicidé, et son père avait un petit faible pour la boisson. Aussi, il pouvait disparaître des jours entiers sans prévenir. L’histoire du livre se déroule vingt ans après l’assassinat du père de Kat, et il est clair que son histoire familiale continue de l’affecter profondément.
Dès le début de « Tu me manques », plusieurs événements se succèdent rapidement : Stacy informe Kat qu’elle l’a inscrite sur un site de rencontre en ligne appelé YouAreJustMyType.com. En surfant sur le site à contrecœur, Kat tombe sur quelqu’un qu’elle connaît, son ex-fiancé, qui est sorti de sa vie dix-huit ans plus tôt. Cette escapade numérique se conclut donc par des chagrins d’amour et des souvenirs de l’amour perdu – car, il n’est pas tout à fait clair à ce stade pourquoi cet homme l’avait abandonnée. Pendant ce temps, un homme malheureux, Gerard Remington, a pris un coup sur la tête et est emprisonné sous terre. Autre moment, autre endroit, Monte Leburne, l’homme qui a avoué avoir assassiné le père de Kat sur les ordres d’un parrain de la mafia, se meurt d’un cancer et, n’ayant plus rien à perdre, fini par admettre qu’il n’était pas le véritable assassin du père de Kat.
Puis l’intrigue Remington permet à l’auteur d’introduire les personnages de Titus, Dmitry et Reynaldo, des voyous notoires, et le roman tentaculaire de Coben commence vraiment à décoller. L’intrigue atteint son paroxysme quand un mystérieux adolescent, Brandon Phelps, essaie de rentrer désespérément en contact avec Kat : il est convaincu que sa mère a disparu et que seule Kat peut l’aider à la retrouver.
Comme toujours, la narration de Coben est habile et les mots bien choisis – grâce notamment à la traductrice du roman Roxane AZIMI. En fait, ce roman est assimilable à un combustible lent mais régulier qui s’embrasse complètement dans la seconde moitié. On reconnaît la patte de l’auteur au fur et à mesure du développement de l’histoire et à mesure que les personnages deviennent de plus en plus attachants. Kat, qui s’attend à toutes sortes de découvertes et à toutes les éventualités, est bien au fait de la complexité des choses, cependant, elle se garde de tomber dans les travers classiques des flics :
« Les flics se targuent de savoir décrypter les gens, façon détecteur de mensonges ambulant. Kat, pour sa part, n’y croyait pas une seconde. Pire, elle pensait que ce genre d’attitude pouvait avoir des conséquences désastreuses. »
Coben est un écrivain formidable, mais dans ce roman en particulier, les passages descriptifs sont souvent plus réussis et fluides que les dialogues. La scène du bar au début du roman, où Kat et Stacy se font draguer est révélatrice. L’auteur nous sert les baratins classiques – certains plus drôles que d’autres — que les hommes, surtout les nullos, utilisent sur les femmes. Dans d’autres scénarios, le dialogue semble s’éterniser plus que de raison, malgré le fait qu’ils sont cruciaux pour exposer les points essentiels et les révélations de l’intrigue. Et, tandis que l’histoire de Kat est franchement passionnante, d’autres personnages manquent clairement de présence. Ceci est d’autant plus frappant pour moi qui suis une lectrice fidèle de Coben. Son style percutant, ses dialogues vifs et chauds, ainsi que la présence vibrante de ses personnages, même secondaires, nous manquent un peu…
Cela dit, « Tu me manques » est un roman truffé de rebondissements, y compris une scène de vengeance effarante, horrible et complètement méritée qui ajoute plus de piquant au roman.