Une collection d’histoires fantastiques et courtes datant de 1895 connait un regain d’enthousiasme grâce à la série « True Detective » diffusée sur HBO (OCS City en France). Bien que considéré comme un classique par les fans du genre, « Le roi en jaune » est à peine connu du grand public, tout du moins c'était le cas avant la diffusion de la série policière sombre mettant en scène Matthew McConaughey et Woody Harrelson avec des dialogues ressemblant plus à du Dostoïevski qu’à du Starsky et Hutch. Le premier épisode de la série porte sur le meurtre rituel d’une jeune femme, Dora Lange, en Louisiane en 1995. Rust Cohle (McConaughey) et Martin Hart (Harrelson) enquêtent sur un assassinat similaire en 2012. Il n’y avait pas beaucoup d’indices dans ce premier épisode, hormis une référence au « roi » lors d’un interrogatoire au parloir d’une prison, mais depuis les indices s’accumulent montrant un lien plus fort entre la série et le roman. Le journal intime de la première victime cite des pans entiers du « roi en jaune », mais c’est quoi « le roi en jaune » au juste ? En plus d’être le titre du livre de Chambers, le Roi en Jaune est aussi le nom d’un jeu fictif qui se déroule tout au long des 10 histoires courtes qui composent le roman. Ces dernières sont des « fictions bizarres », avec une qualité propre aux romans datant de la fin du siècle dernier, et étonnamment contemporain en raison de leurs origines Victoriennes. Toutes les histoires ne sont pas construites autour du « Roi en Jaune », mais son ombre plane, de façon quasi surnaturelle, sur tout le livre. Dans la tradition des histoires interconnectées, « le Roi en Jaune » est un texte maudit qui attire le lecteur dans un premier Acte banal, avant de le plonger dans le désespoir et la folie dans le second. La meilleure histoire du livre est peut-être la première, « le réparateur de réputation ». L’histoire se déroule dans le futur, en 1920, dans une Amérique en plein essor après une guerre avec l’Allemagne. Dans ce futur, le gouvernement donne son aval dans la création de chambres pour ceux qui veulent mettre fin à leur jour. Le narrateur de l’histoire, Castaigne, rencontre un homme du nom de Wilde, qui propose à de pauvres diables de « réparer leur réputation » en échange de généreux honoraires… Né à Brooklyn en 1865, Chambers était un écrivain frénétique. Après le jaune décadent, il s’est reconverti à l’eau de rose avec des romans romantiques non sans succès. Mais c’est le Roi en Jaune qui le place dans le panthéon des « fictions bizarres » aux côtés d’Ambrose Bierce (« Le dictionnaire du Diable ») et HP Lovecraft (« Le mythe de Cthulhu »). La frénésie collective, suscitée par « True Detective » un siècle après, donne raison à Robert W. Chambers quand il nous mettait en garde en disant que « Le roi en jaune » rendait réellement fou !